Bitâcora de textos y notas varias

lundi 23 février 2009

Kulik schizoophrénique

Oleg Kulik, « New Sermon », 3 septembre-1 novembre (2008) http://www.rabouan-moussion.com

Face à la question "jusqu’où est-on capable de montrer notre animalité ?", il est difficile de s’attendre à la radicalité de la réponse d’Oleg Kulik et de ses zoophrénies. Cette démarche particulière, qui place le geste non réflexif de l’animalité au cœur même de l’œuvre, a été le point de départ de l’artiste ukrainien pour ses performances et activités publiques. C’est en guise de bilan de 10 ans de travail que la galérie Rabouan Moussion a présenté pendant deux mois 2008 « New Sermon. Photos et vidéos de performances 1993-2003 ».
© “Reservoir Dog” 1995. Courtesy : Galerie Rabouan Moussion-Paris

Par le biais de photos choc et de vidéos qui présentent à la fois des entretiens sur la démarche de Kulik et la trace de ses performances - dans lesquelles il fait, par exemple, le chien sur l’escalier d’une église, ou le fauve en se disputant avec des (autres) chiens - le spectateur est amené à réfléchir et à repenser son rapport à l’animal ou plutôt à la bête qu’il porte en lui-même. Car, comme Kulik le dit lui-même, l’homme n’a aucun état d’âme, ni envers ses semblables, ni envers les animaux dont il se sert pour s’alimenter (les vaches folles sacrifiées par milliers), ou pour s’amuser (les animaux de compagnie). En pointant chez lui, c’est-à-dire : chez les spectateurs de ses performances, certains gestes, certaines réactions immédiates et impulsives, la fauve-Kulik montre qu’il n’est pas si distinct de l’homme moderne (vous et moi) soi-disant civilisé et maître de sa part animale. Que l’on réagisse comme Kulik, ou que l’on se maîtrise pour ne pas faire comme lui, en fin de compte la différence est presque inexistante : on voit bien comment le « contrôle de soi » n’est qu’une violence raisonnable pour contrer et apaiser les impulsions biologiques, presque irréfrénables, de l’animal que nous sommes.

Touchant ce qui nous semble être le cœur du problème, les questions soulevées par cette œuvre sur le rapport que nous entretenons animalement les uns avec les autres en tant qu’êtres sociaux (sur ce qu’on considère comme des « tabous » ou des sujets à bannir de la scène publique : la zoophilie, le goût de la violence, entre autres pensées politiquement correctes) semblent relever d’une autre approche perceptive et conceptuelle. Sur cette voie, la galerie a déjà exposé d’autres œuvres. A travers elles, on voit davantage le questionnement sur les limites entre le corps livré à un rapport immédiat au monde, et le corps toujours projeté et détaché de l’immédiateté. Autrement dit, le questionnement sur le corps (animal) cogitant, donc conscient, donc éthique.

L’œuvre de Kulik ne se réduit nullement à cette lecture, bien qu’elle prenne une place assez significative dans sa démarche. Toutefois, comme souvent lorsqu’on a assisté et (sur)vécu à des expériences limites (un accident, une autopsie, une déception amoureuse) qui font césure, l’expérience visuelle de ces performances ou photographies ne peut être que bénéfique pour les autres, mais surtout pour soi-même : ces œuvres nous poussent à laisser sortir cette part d’inhumain (« En effet, affirme Kulik, être un homme exige l’exclusion de tout ce qui est non humain, que ce soit animal ou divin ») que, sans doute, nous avons tous à l’intérieur, un peu cachée, enfouie quelque part.

PS : Pendant le déroulement de la FIAC, alertée sans doute par le très zélé service des douanes, la police a décroché et saisi plusieurs photos des performances de Kulik du stand de la XL Gallery. Lors de l’intervention, les policiers n’avaient pas une idée claire des œuvres qu’il fallait décrocher, et ils ont finalement embarqué celles où l’artiste était nu...

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